SOURCE - Yves Chiron - Aletheia - 7 mars 2012
La Fraternité Saint-Pie X, en France, ce sont des dizaines de prieurés, dans toutes les régions de France, où se célèbre la messe traditionnelle, mais ce sont aussi des dizaines d’écoles primaires et secondaires, dont les élèves passent avec succès les examens d’État (brevet et baccalauréat). Depuis au moins deux décennies à l’École Saint-Michel, dans l’Indre – dont il va être question ici –, le taux d’admission au baccalauréat est en moyenne de 90 %, et ce dans les trois sections principales L, ES, S.
La Fraternité Saint-Pie X, en France, ce sont des dizaines de prieurés, dans toutes les régions de France, où se célèbre la messe traditionnelle, mais ce sont aussi des dizaines d’écoles primaires et secondaires, dont les élèves passent avec succès les examens d’État (brevet et baccalauréat). Depuis au moins deux décennies à l’École Saint-Michel, dans l’Indre – dont il va être question ici –, le taux d’admission au baccalauréat est en moyenne de 90 %, et ce dans les trois sections principales L, ES, S.
Depuis longtemps déjà, la FSSPX avait en projet d’ouvrir un établissement d’enseignement technique pour les élèves qui ne veulent pas ou ne peuvent pas suivre une filière d’enseignement général. Une opportunité s’est présentée, non loin de Châteauroux où un régiment – le 517e Régiment du Train – est en cours de dissolution, libérant ainsi un vaste domaine et des bâtiments nombreux et divers (parmi lesquels des ateliers, des installations sportives, une piscine, un théâtre et une chapelle).
La FSSPX a acheté une partie de ce domaine militaire et va y ouvrir, à la rentrée scolaire prochaine, le lycée technique qu’elle avait en projet depuis longtemps. L’École Saint-Michel va ainsi quitter Niherne, pour s’installer à La Martinerie, et compter une filière technique et professionnelle qui s’ajoutera aux filières générales qui ont fait sa réputation.
Niherne, Châteauroux, La Martinerie sont dans le diocèse de Bourges. Mgr Armand Maillard, archevêque de Bourges, a réagi avec une particulière animosité à ce projet éducatif en voie d’aboutir. Voici le texte intégral de l’entretien qu’il a accordé, le 17 février dernier, au quotidien régional La Nouvelle République du Centre-Ouest :
« Je ne suis pas d’accord »
L’archevêque Mgr Armand Maillard persiste et signe à propos de l’ouverture d’un lycée général et professionnel intégriste à La Martinerie.
La communauté d'agglomération castelroussine a adopté la vente de 26 hectares de terrains à La Martinerie pour le projet de création d'un lycée d'enseignement général et professionnel intégriste. Quelle est votre réaction ?
L'Indre est particulièrement fournie en communautés intégristes. Le département est au-dessus de la moyenne nationale. On en trouve à Niherne, mais aussi à Ruffec, Mérigny ou Saint-Michel-en-Brenne. C'est beaucoup! Les intégristes n’ont pas de relation à mon égard, ni à l’égard d'une Église qui suit les orientations de Vatican II.
Quels sont vos points de divergence avec les catholiques intégristes ?
L'œcuménisme, la relation entre chrétiens, les relations interreligieuses et la manière de célébrer la liturgie. Et puis il y a une attitude dans la relation Église monde qu'ils n'ont pas. Paul VI disait que l'Église devait faire conversation avec le monde, plutôt que d'être enfermé dans sa propre réalité, ce qui est le cas des intégristes.
Cette installation semble vous poser aussi problème pour l'enseignement catholique ?
Dans une ville moyenne comme Châteauroux, où il existe déjà l'école catholique Léon-XIII, il risque d'y avoir une confusion entre les deux. Depuis 1959, la loi Debré permet aux établissements catholiques, sous contrat avec l'État, de dispenser un enseignement. Léon XIII est sous contrat mais pas Niherne.
Que pensez-vous de leurs liens avec l'Institut Civitas, le bras politique des lefebvristes ?
Ce n'est malheureusement pas nouveau. Au début du XXe siècle, le pape avait condamné l'Action française, qui voulait lier un régime d'extrême droite à la religion. Aujourd'hui, le cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence des évêques de France, garde ses distances à l'égard de ces réseaux. Pour ma part, je ne suis pas d'accord avec leur manière de faire et de concevoir la foi.
Civitas, qui n'a pas apprécié les réponses du candidat à l'élection présidentielle François Hollande à ses questions, a lancé une campagne d'affichage contre lui. Quelle est la position de l'Église de France pour les élections à venir ?
La conférence des évêques de France propose treize points d'attention pour guider le choix des électeurs. Autrement dit, il y a l'idée que la conscience de chacun a besoin d'être éveillée. Mais chacun décide seul.
Les ignorances ou les aveuglements de Mgr Maillard
Mgr Maillard est l’évêque du diocèse où j’habite. Je lui dois donc le respect que tout fidèle doit avoir pour son pasteur et pour tous les représentants de l’Église enseignante en général. Mais quand, publiquement, un évêque manque à la charité et à la vérité (dont Benoît XVI nous rappelle souvent qu’elles doivent être indissociables) on peut et on doit, respectueusement, le dire.
Il se trouve par ailleurs que je connais bien l’École Saint-Michel dont il est question ici. J’y ai été longtemps professeur, même si je n’étais pas et ne suis pas un fidèle régulier de sa chapelle. C’est donc l’honneur, la réputation et la légitimité pédagogique de cette École que je me dois de défendre.
On relèvera d’abord cette idée d’une « moyenne nationale » des « communautés intégristes » qu’il ne faudrait pas dépasser. Mgr Maillard en compte quatre dans son diocèse. Pour lui c’est trop. Cela me rappelle la réflexion d’un ministre de l’Intérieur qui, en 2009, à propos des militants UMP d’origine arabe, avait dit : «Quand il y en a un, ça va... C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes!».
Mgr Maillard cite ces communautés comme s’il s’agissait de foyers dangereux ou de pestiférés des temps modernes dont il faudrait se méfier et se tenir à l’écart. Il ne les connaît que par ouï-dire. En tant que pasteur du diocèse, les a-t-il visitées ? Non pas pour une visite pastorale au sens canonique – qui, dans la situation actuelle, ne serait pas possible – mais, au moins, pour une visite de pasteur qui va à la recherche ou, du moins, à la rencontre de ses brebis les plus éloignées. D’autres évêques de France le font, dans la discrétion.
Mgr Maillard cite ces quatre lieux comme des entités abstraites, presque maléfiques. Il y a, derrière ces noms, des communautés religieuses vivantes, priantes et dévouées. La Fraternité de la Transfiguration, fondée à Mérigny par l’abbé Lecareux, est une communauté de prêtres et de frères qui rayonne dans le village où elle est établie et dans les diocèses environnants. A Saint-Michel-en-Brenne est établie la Maison-Mère des Sœurs de la FSPX et à Ruffec leur noviciat. Ces saintes sœurs, qui se dévouent dans les prieurés et dans les écoles, en France et à l’étranger, seraient bien étonnées et chagrinées d’être considérées comme les agents d’une infection dangereuse. Quant à Niherne, c’est là où est établie l’Ecole Saint-Michel dont l’expansion provoque l’ire de Mgr Maillard.
Mgr Maillard, s’il était mieux informé, saurait que dans cette école dirigée par des prêtres de la FSSPX, il y a toujours eu un corps professoral laïc auquel on n’a pas demandé une adhésion pleine et entière aux choix de la FSSPX. Les professeurs ne sont pas tous des fidèles de la FSSPX, loin de là, ni même forcément des catholiques pratiquants.
Quand Mgr Maillard dit : « Les intégristes n’ont pas de relation à mon égard », la formule, maladroite dans son style, est fausse dans les faits. Pour s’en tenir aux seuls prêtres de l’École de Niherne, tant redoutée par l’archevêque de Bourges, ils ont toujours essayé d’entretenir des relations avec les autorités diocésaines. En 2004, ils ont été reçus par Mgr Barbier, prédécesseur de Mgr Maillard (cf. Aletheia, n° 56). Par ailleurs, auprès de Mgr Barbier puis de Mgr Maillard, ils ont fait, à plusieurs reprises, des demandes pour l’utilisation de lieux de culte diocésain (pour le Chemin de Croix du Vendredi Saint, par exemple, ou pour des pèlerinages).
Dans une autre de ses réponses à La Nouvelle République, Mgr Maillard voit « la manière de célébrer la liturgie » comme un « point de divergence ». On pourrait croire, à lire cette réponse, que la célébration de la messe selon le rite traditionnel constitue, pour l’archevêque de Bourges, une « divergence » irréductible. Dans les faits, il n’en est pas ainsi. Depuis l’indult de 1984, dans le diocèse de Mgr Maillard, l’abbaye bénédictine de Fontgombault a retrouvé la liberté de célébrer la messe selon le rite traditionnel. Mieux encore, en janvier dernier, Mgr Maillard a publié un communiqué pour annoncer qu’il autorisait la célébration de la messe traditionnelle, une fois par mois, dans l’église Saint-André, une des principales églises de Châteauroux.
La coïncidence est troublante : la messe traditionnelle retrouve, enfin, un droit de cité à Châteauroux, près de cinq ans après le motu proprio libérateur de Benoît XVI (7 juillet 2007), juste au moment où la messe traditionnelle, célébrée par les prêtres de la FSSPX, se rapproche de Châteauroux par une prochaine célébration dans la chapelle de La Martinerie. La décision de Mgr Maillard semble autant tactique que pastorale. Mais il lui reste beaucoup de chemin à parcourir : la messe qu’il concède à Saint-André de Châteauroux n’est que mensuelle, celle qui sera célébrée par les prêtres de la FSSPX à La Martinerie sera dominicale et même quotidienne.
Mgr Maillard dit aussi son inquiétude sur le « risque » de confusion entre l’enseignement catholique diocésain, représenté à Châteauroux par un grand conglomérat (École Saint-Pierre/Collège Léon XIII/Lycée Sainte-Solange), et le vaste établissement que la FSSPX va ouvrir à quelques kilomètres de là.
Au lieu de se réjouir que l’éventail de l’enseignement catholique s’élargisse – l’École Saint-Michel va offrir des filières de formation (menuiserie, maçonnerie, etc.) qu’on ne trouve pas dans l’enseignement diocésain – , Mgr Maillard semble redouter la concurrence.
Mais plus encore, il a une réaction de dépit. Il ne dit pas que ce sont les autorités militaires qui ont proposé une partie de leur domaine à l’École Saint-Michel et donc à la FSSPX. Sans doute, ces autorités ont-elles fait auparavant la même proposition à d’autres institutions, à l’enseignement diocésain, à Mgr Maillard. L’archevêque de Bourges regrette aujourd’hui de voir les « intégristes » honnis profiter d’une telle opportunité.
On déplorera enfin le coup de patte de Mgr Maillard à propos de l’Institut Civitas, « bras politique des lefebvristes ». La définition du journaliste est abrupte mais pas fausse, même s’il serait plus exact de dire « bras civique », Civitas n’ayant pas pour objectif de présenter des candidats aux élections. En revanche, Mgr Maillard a tort d’affirmer que Pie XI a condamné l’Action Française parce qu’elle « voulait lier un régime d’extrême-droite à la religion » :
• l’Action Française voulait le rétablissement de la monarchie, Mgr Maillard en parlant de « régime d’extrême-droite » commet une grossière erreur que même un étudiant de première année en Sciences politiques ne commettrait pas, à moins d’avoir l’esprit obscurci par une idéologie qui estime que toute critique de la démocratie est d’ « extrême-droite ».
• Pie XI lui-même, à plusieurs reprises, dans ses interventions à propos de l’Action Française, a précisé que ce n’est pas la nature du régime défendu par l’Action Française qui était en cause. Il a dit et répété que les catholiques pouvaient être monarchistes. Il n’a donc pas condamné « un régime d’extrême-droite » – qui serait la monarchie –, il n’a pas condamné l’Action Française pour des raisons politiques mais pour des motifs religieux (Émile Poulat et Yves Chiron, Pourquoi Pie XI a-t-il condamné l’Action française ?, Éditions BCM, 2009).
Le communiqué de l’abbé Bétin
Pour faire bonne mesure, et en contrepoint à l’interview de Mgr Maillard, il est juste de publier le communiqué de l’abbé Bétin, directeur de l’École Saint-Michel. Ce communiqué n’est pas une réponse à Mgr Maillard, puisqu’il est antérieur de plusieurs semaines à l’entretien accordé par celui-ci à La Nouvelle République. Mgr Maillard en a-t-il pris seulement connaissance ? On remarquera que l’abbé Bétin n’a en vue que l’intérêt pédagogique et chrétien du projet qu’il porte. Son communiqué est marqué par un enthousiasme et une sérénité qui manquent tant au Je ne suis pas d’accord de Mgr Maillard.
L’École déménage !
Après bientôt quarante ans de présence à Niherne, l’École Saint-Michel déménage pour s’installer à une vingtaine de kilomètres, à l’est de Châteauroux, sur le site militaire de la Martinerie, sur les communes de Déols et de Montierchaume.
Pourquoi déménager ?
Pour ceux qui connaissent l’École Saint- Michel, il devenait urgent de restaurer nos classes ou d’envisager un déménagement.
Après plusieurs années de recherches et de réflexions, mais aussi face à la nécessité de dédoubler nos classes du second cycle pour répondre aux attentes toujours plus pressantes des parents, la Providence s’est manifestée de façon étonnante : du départ programmé du 517e régiment du Train aux soutiens des institutions officielles, comme ceux de Monsieur le Préfet de l’Indre ou du Sénateur-Maire de Châteauroux, en passant par les prises de positions favorables dans la presse régionale de différents acteurs locaux, sans oublier nos collaborateurs civils et militaires, précieux soutiens de la première heure, la décision de déménager à la Martinerie s'est imposée.
Nous avons donc pris au mot la volonté du Bon Dieu et, ne cachant jamais qui nous étions et quelles étaient nos intentions, nous avons développé ce projet.
Une première pour la Fraternité Saint-Pie X
Pour remercier la bienveillance divine, cet emménagement permet à la Fraternité Saint-Pie X d’ouvrir son premier lycée d'enseignement professionnel. Quelle joie de pouvoir bientôt proposer une alternative à tous ces élèves qui quittent trop tôt nos écoles par intérêt pour une formation professionnelle ou par manque de niveau pour poursuivre des études générales, leur permettre de s'épanouir dans un métier et de subvenir aux besoins d'une famille. Nous répondons ainsi non seulement à une demande récurrente des familles catholiques, soucieuses d'apporter à leurs enfants une éducation chrétienne complète, le moyen de faire fructifier leurs talents et de fonder une famille; mais aussi aux sollicitations des professionnels pour un établissement professionnel hors-contrat dans la Fraternité Saint-Pie X.
Cette création est une grande aventure. Nous commencerons donc prudemment en proposant à l'ouverture, à nos futurs élèves et leurs parents, deux filières : la menuiserie et la maçonnerie. Puis, progressivement, nous ouvrirons d'autres formations : électricité, plomberie, aménagement et entretien des jardins et espaces verts, boulangerie... Nos choix se sont portés sur des filières qui résistent à la crise.
À terme, nous pourrons accueillir 150 élèves, toutes filières professionnelles confondues, venant s'ajouter aux 250 places qui seront proposées dans nos filières générales.
Plus que jamais, nous avons besoin de votre soutien
Dieu aidant, nous emménagerons en septembre prochain. Vous pouvez voir sur les quelques photographies que nous vous proposons que le site de la Martinerie est déjà voué à la formation : il nous suffit de le réhabiliter pour recevoir une activité scolaire. L'expression « il nous suffit » est quelque peu téméraire... Plus que jamais, nous avons besoin de votre soutien.
Dans cette nouvelle entreprise, la Fraternité manifeste encore une fois tout l'intérêt qu'elle porte à l’éducation ; mais les sacrifices qu'elle s'impose quotidiennement pour maintenir cette œuvre ne suffiront pas à couvrir les sommes que nous devons engager pour l'ouverture. Nous faisons donc appel à votre générosité.
Par avance, il ne nous reste plus qu'à vous remercier de toute l’aide que vous nous apporterez, vous assurant des prières quotidiennes de la communauté et des élèves aux intentions de tous les bienfaiteurs de l’École.