Notre confrère Libération consacrait sa « Une », lundi dernier, à l’affaire de la tentative de réconciliation entre Rome et la Fraternité Saint-Pie X, en utilisant un titre pour le moins ambigue: « Benoît XVI, le calice négationniste ». En soi un tel titre semble cautionner les pires calomnies diffusées durant plusieurs jours contre le Pape. Ne parle-t-on pas de boire le calice jusqu’à la lie ? Benoît XVI aurait donc accepté de se réconcilier avec un évêque ouvertement négationniste, en pleine connaissance de cause ? Heureusement, le sous-titre modère quelque peu la provocation pour une information plus objective : « Nombre de catholiques s’indignent du retour dans le giron de l’Église, décidé par le Pape, de prêtres intégristes, dont l’un nie la Shoah ». Il n’empêche que même ce genre de formules se joue de l’ambiguïté pour suggérer ce qu’on n’ose pas toujours dire en clair. À savoir que l’Église romaine est prête à toutes les concessions pour amadouer « les intégristes », y compris la tolérance pour le négationnisme. En fait, le dossier proposé par Libération aboutit à tordre le cou même aux ambiguïtés. Laurent Joffrin reconnaît honnêtement que le scandale est venu d’un « hasard médiatique ». Et l’entretien publié avec le philosophe Rémi Brague montre que nombre de catholiques reconnaissent le bien fondé d’un dialogue en vérité avec les traditionalistes. Peut-on tirer d’ores et déjà la leçon de pareil emballement médiatique ? Sans trop cultiver l’illusion qu’on mettra fin aux pratiques douteuses et aux coups bas ? La première mission de l’information est de s’interroger sur l’origine de ce qui a été rapporté, en vérifiant soigneusement la conjonction des événements et leur possible manipulation à des fins idéologiques. Par exemple, quel rapport y avait-il entre la volonté du Saint-Siège de faire avancer le dossier traditionaliste et la déclaration insensée d’un incontrôlé à laquelle personne ne s’était intéressé lorsqu’elle avait été diffusée, en novembre dernier. Il n’est pas superflu de vérifier s’il n’y a pas désaccord profond entre l’évêque Williamson et son supérieur Bernard Fellay. L’éthique de l’information suppose une extrême rigueur non seulement dans la vérification des faits mais aussi dans la validation des interprétations. Sur des sujets aussi graves, on n’a pas le droit de se contenter de rumeurs, et d’opérer des rapprochements hasardeux. Et lorsqu’on ose se fonder sur eux pour s’ériger en procureur, le sommet de la désinformation n’est pas seulement atteint, c’est la vérité et la justice qui sont bafouées, au point de faire perdre toute confiance dans la presse et les médias modernes. |