L’annonce faite hier, conjointement à Rome et à Londres, du retour à l’Église catholique d’un nombre imposant d’anglicans – évêques par dizaines, prêtres par centaines, fidèles par centaines de milliers – surprend. Par son « timing », qui rompt avec les habitudes de la communication vaticane ; par son contenu, une structure inédite, conçue pour l’occasion ; et par son contexte, celui du dialogue entre Rome et les lefebvristes d’une part, de l’œcuménisme d’autre part.
Rien n’obligeait le Vatican à alerter l’opinion si tôt, alors que le document du pape précisant le dispositif à venir n’est pas encore prêt. Même si l’hypothèse a été démentie hier, cette rapidité d’information pourrait être liée au calendrier des discussions doctrinales imminentes entre Rome et les intégristes : une preuve qu’il est possible de revenir à la pleine communion avec le pape sans renier sa tradition d’origine – mais à condition de signer le Catéchisme de l’Église catholique !
Car les modalités de la réintégration de ces groupes anglicans sont pour le moins originales : des circonscriptions ecclésiastiques faites pour eux, où restera sauf leur patrimoine spirituel, liturgique et canonique (incluant un clergé marié), mais dans une totale fidélité à Rome. Or, ce qui passerait pour une trouvaille de bon sens pose question : le schéma annoncé présente – malgré les protestations du Saint-Siège – toutes les apparences de l’uniatisme : la reconnaissance d’une Église de rite non romain, mais unie à Rome. L’unité de tous les chrétiens exige-t-elle le retour à Rome des « frères séparés » ? Depuis une quinzaine d’années, l’Église catholique a rejeté ce modèle uniate comme désormais dépassé. Le modèle de réconciliation que les Églises, divisées au fil des siècles, recherchent ces temps-ci vise bien sûr à préserver leur tradition respective. Mais il veut garantir à la fois leur claire autonomie à l’égard de Rome et la pleine reconnaissance du ministère de Pierre.
Alors que des conversions isolées ne posent guère de difficulté, la création d’une juridiction extraordinaire pour des ralliements massifs peut donc s’avérer problématique au plan œcuménique.
Michel Kubler